L’abonnement, un business model rêvé à portée de main

Parmi l’ensemble des business models existants, celui de l’abonnement est certainement l’un des plus recherchés. Il offre en effet l’avantage de générer des revenus réguliers et plus prévisibles au-delà du court terme.

Mais, si l’abonnement semble naturel pour les prestations répétitives et calibrées de mois en mois (forfait mobile ou salle de sport par exemple), il l’est moins pour les consommations qui peuvent certes être régulières mais néanmoins sporadiques et évolutives en fonction des envies.

L’abonnement est un contrat entre un fournisseur et son client pour la livraison régulière ou la mise à disposition de produits ou services en échange d’un paiement régulier et forfaitaire

En quelques faits et chiffres :

  • 85% des consommateurs européens ont souscrit à au moins un abonnement

  • Les français comptent en moyenne 5,4 abonnements par personne

Quatre types d’abonnement sont généralement proposés :

  • Les abonnements de réapprovisionnement : ils permettent à l’abonné d’automatiser l’achat de produits de consommation courante comme les rasoirs, les capsules de café ou les cartouches d’imprimante.

  • Les abonnements de découverte ou de passion. Ils sont souscrits pour le plaisir d’être surpris de mois en mois. La cosmétique ou les repas à domicile s’y essaient par exemple.

  • Les abonnements pour des prix bas qui donnent accès à des prix avantageux voire à des remises exceptionnelles. Les salles de sport en font partie.

  • Les abonnements de nécessité ou obligatoires car aucune autre formule n’est proposée comme la téléphonie mobile par exemple.

Les abonnements de réapprovisionnement (café, lames de rasoirs, couches...), outre la récurrence des revenus, offrent aux marques l'avantage de se libérer en partie des circuits traditionnels de la distribution, de vendre en direct, de récupérer plus de marge et de créer une relation plus personnelle avec le client (et ainsi mieux le connaître).

Il est d'ailleurs surprenant de ne pas constater aujourd'hui encore d'offres d'abonnements similaires proposées par les grandes enseignes de la distribution. Celles-ci pourraient en effet mettre à disposition de leurs clients, via abonnement, des offres à prix avantageux sur les achats récurrents et de réapprovisionnement. Elles doivent probablement y réfléchir actuellement ou, dans le cas contraire, devraient peut-être y réfléchir.

Pour aider à identifier des potentiels d'abonnement, une matrice croisant valeur pour le client ou profondeur de l'offre et fréquence des achats peut être utilisée.

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La lecture de la position des secteurs, indiqués ici pour illustration, est riche d'enseignements

  • Plusieurs secteurs peuvent se développer sur des formules d'abonnement comme la distribution ou les jouets

  • La distribution, qui est un secteur à disposer d'informations uniques et détaillées sur ses clients (achats, catégories, fréquences, profils des clients...) pourrait aisément créer de nouveaux business models via l'abonnement

  • Des secteurs s'essaient à l'abonnement mais le modèle n'est pas encore généralisé. Des positions demeurent à prendre

  • La formulation d'une proposition de valeur forte permet d'accroître l'appétence du client pour une formule d'abonnement. Plus l'abonnement semble contraint et avec une valeur ajoutée minimale, moins l'offre d'abonnement aura des chances de rencontrer un succès commercial. La proposition d'un abonnement ne peut simplement se limiter à servir les intérêts seuls de l'entreprise par le "cadenassage" du client.

  • Une activité peut cumuler plusieurs modèles économiques comme c'est le cas de l'automobile par exemple. Peuvent s'ajouter une vente à l'unité, un abonnement, un leasing, un contrat de maintenance, un "pay as ou get" pour le divertissement en mobilité...

  • La tendance de la "slow" consommation (slow fashion...) peut se cumuler à une économie de la reprise d'objets, de remplacement et de l'occasion. Le croisement de plusieurs modèles économiques est souvent bénéfique pour le client car il répond à la diversité de ses aspirations

  • Des conditions réglementaires peuvent s'appliquer puis contraindre la génération de nouveaux modèles économiques, comme pour les médicaments ou les vins et spiritueux. Mais des abonnements sur la réception mensuelle de bouteilles de vin sont déjà en œuvre.

  • Des modèles anciens sur des abonnements se sont taris lors d'une époque précédente. La vente de livres en abonnement par exemple avec France Loisirs. Mais un renouvellement du modèle, plus moderne, plus ciblé, demeure toujours possible et peut donner une position de précurseur à un nouvel entrant imaginatif.

Une tendance porteuse pour l’abonnement

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Les individus semblent aujourd’hui davantage intéressés par l’usage d’un produit que par sa possession. Cette tendance s’observe d’autant plus sur les plus jeunes générations, les millenials et la GenZ.

Quand le contexte économique se durcit, l’abonnement présente aussi l’avantage pour le client de mieux prévoir et planifier son budget. Il y a moins d’achats spontanés ou de dépenses erratiques. Les charges sont fixes de mois en mois.

Mais les GenY et GenZ ne privilégient pas toujours l'usage en priorité sur la possession par conviction et expression de valeurs. La capacité financière (moyens financiers pour acheter ou non) intervient souvent. Ainsi, la proposition de valeur pour légitimer le recours à l'usage plus qu'à l'achat doit être forte, claire, tangible et assortie de services et de sur-mesure.

L'abonnement ne peut plus se concevoir dans le seul intérêt, parfois égoïste de l'entreprise, au regard de l'eldorado de revenus longs termes et réguliers. Il doit apporter une valeur supplémentaire par rapport à une offre "spot".

Dans ce sens, les abonnements simplement portés par un prix bas ou la simple commodité du réapprovisionnement pourraient ne pas perdurer longtemps sans proposition nouvelle et unique de valeur complémentaire.

Aussi, l’abonnement est porté par le développement des technologies numériques, les facilités de paiement sécurisées sur Internet ou la gestion automatisée des contrats par exemple.

Le développement des offres « as a service » confortent la tendance. Ces offres présentent de nombreux avantages pour l’utilisateur qui bénéficie d’une solution personnalisée et flexible.

Ainsi, l’économie de l’abonnement est en plein essor et conquiert chaque jour de nouveaux marchés.

Les avantages d’un abonnement « non naturel » pour le client

Les cinémas ont, en leur temps, ouvert la voie avec les cartes « illimitées ». Le principal intérêt pour le spectateur de cet abonnement était prioritairement le prix. Le billet d’une place de cinéma ne cessait d’augmenter et les aficionados du grand écran ont rapidement vu leur intérêt économique dans cette formule.

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Les salles de sport proposent également depuis longtemps des formules d’abonnement que la totalité des clients ou presque souscrivent. Là encore, l’avantage évident est celui du prix car celui à la session demeure prohibitif et cette option n’est pas nécessairement proposée par la totalité des réseaux de fitness. Or le recours à l’abonnement pour cet usage peut interroger. En effet, la fréquentation de la salle de sport est souvent non linéaire. Le client s’y rend de manière irrégulière (des mois avec une envie et une disponibilité fortes et d’autres moins) et il peut être absent pendant de longues périodes (vacances notamment). Les salles de sport ont d’ailleurs construit leur business model sur cet état des lieux : vendre le plus grand nombre d’abonnements possible en escomptant la fréquentation la plus minimale possible, car la capacité ne permet pas d’accueillir en heure de pointe la totalité des souscripteurs. Pour cette industrie, le modèle économique qui répondrait le mieux aux attentes des clients semble ne pas être celui de l’abonnement mais celui du « pay as you get » au prix le plus accessible possible.

Des marques nouvelles de cosmétiques se sont également essayé à ce modèle économique. C’est le cas par exemple de Romy qui propose d’équiper le client avec une machine à capsules (comme celle pour le café) dans laquelle le client insère de la crème et des ingrédients actifs pour créer sa cosmétique sur mesure, avec un abonnement à 29 ou 39 euros par mois en fonction des volumes.

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D’autres intérêts se dessinent alors dans l’abonnement au-delà du prix attractif : l’intérêt de la découverte en étant surpris chaque mois avec de nouveaux produits proposés par la marque. L’intérêt du confort aussi et de ne pas avoir à réfléchir à des achats que nous savons par nature récurrents (le café avec Nespresso, les lames de rasoir avec Gillette, les cartouches d’encre avec HP…). Le cumul des deux, offre à valeur ajoutée et achats récurrents renforce l'attractivité de la formule d'abonnement.

4 critères motivant et légitimant le recours à l’abonnement peuvent alors être mis en exergue :

  • Un prix plus bas qu’un achat unitaire ou plusieurs achats répétés

  • La facilitation d’un achat récurrent

  • La découverte de nouveaux produits

  • L’émotion ou la passion

Une ultra segmentation nécessaire

Si l’abonnement est par nature attractif, il peut difficilement être envisagé pour l’ensemble de son portefeuille clients.

Sur le cinéma par exemple, les clients potentiels pour les cartes illimitées sont ceux exposant une fréquentation forte de cette activité et partageant une certaine passion.

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Pour le café, les clients seront ceux ayant une consommation, a minima quotidienne, voire de gros consommateurs avec plusieurs cafés dans une journée.

Selon plusieurs études, un profil type de « l’abonné » se dessine :

  • Il est plutôt jeune (entre 25 et 44 ans) et embarque une grande proportion de millenials

  • Il est plutôt urbain : les courses répétitives sont plus fastidieuses et le temps consacré aux loisirs et passions est primordial

  • Il est plus aisé financièrement : il souhaite maîtriser son budget mais dans le même temps ne craint pas de s’engager sur des dépenses mensuelles et long terme

  • Pour les produits, il s’agit plus souvent des femmes, qui encore aujourd’hui malheureusement ont plus souvent la charge des achats répétitifs. Néanmoins, les hommes rechercheront aussi par cette formule le confort et la diminution de l’effort et disposent plus d’abonnements que les femmes (il y a ainsi moins d’hommes souscrivant d’abonnement que les femmes mais les hommes sont plus multi-équipés).

Le modèle de l'abonnement s'applique également dans l'univers BtoB. L'entreprise est en effet historiquement habituée à cette formule, notamment sur les prestations de services opérationnels (ménage, sécurité...). La généralisation de solutions en mode SaaS (Solution as a Service) contribue également à l'ancrage de cette culture dans le monde professionnel.

Une analyse préalable des volumes à conduire pour sécuriser les décisions

Si l'abonnement est attractif par la régularité de ses revenus et par ses potentiels d'upsell et de cross-sell, il convient de s'assurer au préalable que les revenus (et les marges) qu'il générera seront supérieurs à des achats unitaires ou fréquents.

C'est l'analyse qu'a du conduire la SNCF en modifiant sensiblement son abonnement Fréquence. D'environ 1.000 euros par an en 1e classe pour la France entière, celui ci est passé à moins de 500 euros en s'intitulant ensuite Liberté.

Dans le même temps, le prix unitaire de chaque trajet a été augmenté de quelques euros. Les réductions de chaque voyage sont moindres.

Une analyse de sensibilité, prix et volumes, permet ainsi d'ajuster au mieux les prix des abonnements et ceux unitaires.

Une relation client à repenser

L’abonnement fait passer d’une relation « spot » ou « multi spot » à une relation récurrente et régulière. Il ne s’agit plus seulement alors de livrer une fois un produit ou un service puis d’émettre une facture mais d’établir à présent une relation sur le long terme et de travailler plus encore la fidélisation (pour éviter la résiliation).

Les clients ne se tournent pas naturellement vers ce modèle économique. Au contraire, le fait de devoir s’inscrire, de devoir s’engager et de devoir payer régulièrement a plutôt tendance à complexifier l’intérêt puis le passage à l’acte d’achat du client. L’acquisition client est structurellement plus complexe dans les activités d’abonnement.

Pour les 4 facteurs motivant l’abonnement (prix, facilitation, découverte, émotion), la personnalisation de l’offre se classe en tête des attentes aux côtés du rapport qualité/prix et de la commodité.

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La personnalisation de l’expérience abonné est également de loin le principal facteur de rétention. La réussite de ces modèles d’abonnement repose en grande partie sur une bonne connaissance des préférences abonnés et sur la capacité de la marque à élaborer une offre la plus personnalisée possible (en s’appuyant éventuellement sur des solutions d’intelligence artificielle).

En conclusion, l’abonnement est un modèle économique attractif qui est accessible à tous, quelle que soit l’activité. Il n’est pas intrinsèquement innovant mais il peut l’être s’il introduit la première formule d’abonnement sur l’industrie concernée (statut de précurseur). Pour y parvenir, il s’agit alors de conduire une analyse fine de la segmentation de son portefeuille (quels clients peuvent potentiellement être intéressés ?) ; de construire une proposition de valeur forte, spécifique et justifiant l’abonnement ; puis d’adapter en conséquence l’organisation (supply chain, facturation, paiement) et la relation client (SAV notamment).


Eric GALLARDO - Associé Abington Advisory en charge de l'expertise "Marketing & Expérience Client".

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